Tests Asperger au Centre Expert Créteil

Eh bien ça y est, j'ai passé les deux journées de tests d'autisme au Centre Expert Asperger de Créteil. Compte rendu le 21 avril à 11h.

La première journée, j'ai eu droit à l'ADOS. Une heure trente d'entretien le matin, 3 heures l'après-midi. Tout le monde était vraiment gentil.

J'ai eu droit aussi à un livre étrange composé uniquement d'images (je devais raconter l'histoire).

J'ai eu aussi six images séquentielles que je devais décrire (les six images ont été reprises et j'ai dû le faire de mémoire) en imaginant ce que pourraient ressentir les personnages (compliqué pour moi).

Par contre, j'ai osé être moi-même et ça a donné des trucs un peu bizarres. Ils souriaient souvent en entendant mes réponses. Je me suis enfin autorisé à ne pas regarder dans les yeux (à ne pas m'obliger de le faire).

C'était un peu fatiguant mais je suis vraiment content de l'avoir fait. Mon père s'est bien prêté au jeu et a répondu à toutes les questions de son côté.

L'une de mes réponses qui les a fait sourire est celle-ci. Quand ils m'ont demandé si j'avais des amis, je leur ai répondu: "quand est-ce qu'une personne est une amie? Est-ce que l'on considère que quelqu'un à qui l'on n'a pas parlé depuis deux ou trois ans mais avec qui on est toujours en bon termes, avec qui on a partagé des choses et qu'on pourrait recontacter est un ami? Est-ce que quelqu'un que l'on voit une ou deux fois l'an et avec qui l'on échange quelques textos par an est un ami? Qu'est-ce qui fait que l'on sait que l'on est passé du stade de la connaissance à celle de l'ami? Et à quelle fréquence faut-il entretenir cette relation, par quel biais pour que l'on considère que cela reste de l'amitié?"

Apparemment, un neurotypique (ie personne sans autisme) aurait juste répondu oui ou non en donnant un nombre. LOL! Sauf que je me pose toutes ces questions quand on me demande simplement si j'ai des amis. J'ai besoin que tout soit défini.

Ils ont bien aimé aussi ma réponse sur le supermarché. Ils m'ont demandé si jamais j'arrive à la caisse et que j'ai oublié quelque chose, ce que je fais. Est-ce que je repars le chercher? Est-ce que je me dis tant pis? J'ai répondu que cela dépendait si j'avais des surgelés, depuis combien de temps je les avais pris en rayon (par rapport à la durée max de 1h30 dans un sac de congélation), si j'ai pris des blocs de glace ou non, à quelle heure est le RER pour savoir quand je vais rentrer chez moi en prenant en compte le temps moyen de passage en caisse pour m'assurer que les surgelés seront toujours conservés. J'ai senti en parlant que j'avais l'air bizarre, mais je me suis autorisé à exprimer qui j'étais, et surtout c'est exactement comme ça que je pense quand une telle situation se produit.

C'est grave, docteur? Et après, on s'étonne que je cache ma manière de penser à mon entourage. Les gens me prendraient pour un fou si je leur expliquais ça ou si je verbalisais ma pensée au boulot.

J'ai trouvé la seconde journée particulièrement éprouvante et longue. Le matin, on m'a fait passer un test de QI complet.
- reconnaissance de cloches dans un dessin bourrés de petites images
- lecture de suites de trois couleurs (rectangles vert, rouge, ou bleu)
- lecture de suites de trois mots désignant des couleurs (VERT/ROUGE/BLEU)
- lecture de suite de trois mots désignant des couleurs mais écrites avec une autre couleur (exemple, VERT écrit en bleu)
- mémorisation à l'oral de suites de deux, trois, quatre, cinq, six, sept nombres
- mémorisation à l'oral de suites de deux, trois, quatre, cinq, six, sept nombres pour ensuite les classer à l'oral du plus petit au plus grand
- mémorisation à l'oral de suites de deux, trois, quatre, cinq, six, sept nombres pour ensuite les redire dans le sens inverse
- problèmes de calculs mentaux (j'ai souffert, notamment parce que j'étais stressé. Je devais écouter l'énoncé à l'oral et résoudre le problème à l'oral)
- lien commun à trouver entre deux mots (bleu/vert, poème/statue, etc.)
- associer des symboles à des lettres (c'est à dire qu'il y avait une table de correspondance. Puis j'avais une série de lettres et je devais reproduire en dessous le symbole correspondant)
- reproduction de gestes que le médecin faisait (j'ai eu du mal sur des positions de mains)
- liste d'animaux à dresser en deux minutes
- liste de mots à dresser en deux minutes et commençant par la lettre p
- jeu du type tour de Hanoï. J'avais trois piliers, trois boules de couleurs. Lui avait la même chose et les disposait d'une certaine manière. En le moins de déplacements possibles, je devais refaire la même disposition
- cubes: j'avais des cubes (4 au départ, 9 à la fin), ayant des faces blanches, rouges, mi blanche/mi rouge, et je devais reproduire une figure sur un dessin. Les premières reproductions étaient faciles, les dernières ardues. C'était chronométré.
- signification de mots (j'ai eu beaucoup de mal à décrire des termes comme intrépide, courageux, etc.)
- test de culture générale (géographie, biologie, français, etc)
- suites logiques de figures
- suites de trois images représentant une scène. Je devais ensuite choisir une quatrième image parmi trois autres pour déterminer la suite.
- une image plus ou moins complexe, et six autres images en dessous. Je devais trouver lesquelles de ces trois images permettaient de reconstituer celle du dessus. Il faut savoir qu'on pouvait mentalement les faire pivoter sur elles-mêmes.
- relier nombres du plus petit au plus grand sur une feuille
- relier nombres/lettres en alternance sur une feuille (1-A, 2-B, etc.)
- dire le nom d'une suite d'images simples
- reproduction d'un dessin complexe. 10 minutes plus tard, j'ai dû le reproduire de mémoire (je me rappelais de pleins de détails mais pas de l'image dans son ensemble)
- colère/joie: j'ai vu une suite de vidéos courtes et je devais dire si les personnes exprimaient de la colère ou de la joie. Mais l'expression du visage était si marquée que l'on ne pouvait se tromper. On les voyait de face, de trois-quart, de profil

D'après ce que m'a dit le médecin, j'ai obtenu de bons scores dans la partie mathématique.

Je crois que c'était tout le matin.

L'après-midi, c'était éprouvant et certaines épreuves m'ont attristé. C'était sur les émotions, l'empathie, la théorie de l'esprit. J'ai peiné trois heures. Ca m'a rendu triste.

J'ai eu des questionnaires où j'ai dû répondre par nuance (de 1 à 7). J'ai dû faire un test avec des regards. Pour la plupart, j'étais assez dubitatif et avais du mal à les comprendre.

Ensuite, j'ai eu une série de photos de visages et je devais dire quelle émotion la personne ressentait. J'ai été capable de discerner la colère, la joie, la tristesse, la surprise et l'inquiétude, parce que c'était assez marqué. Je n'ai été capable de comprendre aucune des autres expressions, ce qui m'a rendu triste.

Ensuite, j'ai eu le même exercice mais on me proposait quatre émotions. J'éliminais les plus improbables mais j'hésitais toujours entre les deux dernières, parfois sans capacité à trancher.

J'ai parfois dit qu'aucune des quatre émotions proposées ne collait pour moi. Que la personne semblait ne rien exprimer et que pour moi, elle n'était ni fâchée, ni sarcastique, ni ennuyée, ni pensive. Je me suis rendu compte que sur certaines des émotions que j'avais dites précédemment, ce que j'avais dit n'était même pas présent dans les quatre propositions.

Je savais que j'avais du mal à comprendre les émotions faciales, j'ignorais que c'était avec un tel degré. Ca m'a vraiment rendu triste.

Ensuite, j'ai eu des histoires (20, de souvenir). Je devais à chaque fois dire s'il y avait eu une maladresse d'un des personnages et ce que chacun avait ressenti. Je n'ai trouvé qu'une maladresse, les autres n'en étant pas pour moi.

Il y a eu de nombreuses autres histoires de mise en situation où l'on me demandait ce que je ressentirais à ce moment là et ce que ressentirait l'autre personne avec qui je suis en interaction dans l'histoire. Et je n'ai cessé de faire des hypothèses et d'essayer de deviner mes réactions possibles. J'ai souvent parlé de colère, d'agacement, de peur ou de joie. Rien de plus subtil. Quant à l'autre personne, la plupart du temps, j'ignorais comment elle pourrait ressentir les choses. Je ne parvenais pas à me mettre à sa place.

Je ne sais quoi en penser. Je savais que j'étais décalé socialement mais ces tests ont mis en exergue à quel point j'étais décalé, à quel point je ne comprenais pas les autres, ne parvenais pas à me mettre à leur place, à interpréter les expressions de leur visage. Je n'imaginais pas que j'étais à ce point en difficulté. Sincèrement, je ne l'imaginais pas. Mais je voulais passer ces tests, c'est à présent chose faite.

Pour vous donner un exemple, j'ai trouvé cette image sur google (sans les réponses associées).

La seule chose que je peux dire, pour moi, c'est
5) j'ai fait une gaffe et je viens de m'en rendre compte
6) je ne sais pas trop. Elle trouve son interlocuteur idiot par rapport à ce qu'il vient de dire?
7) la peur
8) la confiance?

Et pour le reste... ça n'exprime rien pour moi. Je vois que le visage est un peu différent, mais j'ai absolument aucune idée de ce qu'il exprime, mais vraiment aucune.

 

 

 

 

Prenons à présent ces images. Classiquement, on identifie six émotions de base : la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère et la surprise, qui déclenchent des mouvements du visage facilement reconnaissables. Une équipe de l’université d’Etat de l’Ohio a creusé le sujet, en se penchant sur les combinaisons entre ces émotions basiques, des mélanges avec lesquels nous sommes d’ailleurs tout autant familiarisés.

L’intention ne consistait pas à épuiser le sujet – des nuances restent certainement à identifier et à catégoriser -, mais à avancer dans la compréhension des subtilités de nos réactions émotionnelles. Les chercheurs ont pris plusieurs milliers de photos de deux cents étudiants, placés dans des situations destinées à provoquer un éventail d’expressions faciales. Ces images ont été analysées, décortiquées, à l’aide d’un programme informatique spécialisé.

Le résultat a identifié une quinzaine de combinaisons qui s’ajoutent aux six réactions émotionnelles classiques. Les auteurs expliquent que cet ensemble est naturel, spontané, constant et uniforme (en tout cas dans les cultures occidentales). (source: http://www.passionsante.be/index.cfm?fuseaction=art&art_id=16231)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Là, je peux distinguer sans aucune difficulté les 5 premières: joie, tristesse, surprise, colère, étonnement.

Ensuite, sur la troisième ligne, la quatrième image représente pour moi quelqu'un qui a fait une gaffe.

Sur la dernière ligne, la seconde photo, je dirais la colère ou le dégoût. Pour toutes les autres images, je vois que le visage n'est pas détendu mais je ne peux comprendre ce qu'il exprime.

Les réponses sont, de gauche à droite et de haut en bas :
• joie, tristesse, peur, colère, suprise
• dégoût, surprise + joie, dégoût amusé, crainte + tristesse, colère + tristesse
• surprise + tristesse, dégoût + tristesse, colère + inquiétude, surprise + inquiétude, dégoût + inquiétude
• surprise + colère, dégoût + colère, dégoût + surprise, haine (rejet), impressionné

A présent, il faut que je continue de me construire avec tout cela, et je reste persuadé que c'est possible  😀

A voir: http://www.syndromedaspergerlewebdoc.fr/