Diagnostic officiel d’autisme asperger

Eh bien voilà. Le 21 avril 2017, à 11h, j'étais au Centre Expert Asperger de Créteil pour que l'on me fasse la lecture du bilan de deux jours que j'avais passée les 8 et 24 février.

La conclusion finale est sans appel:

"L'évaluation clinique met en évidence des anomalies de la communication verbale et non verbale, de compréhension des émotions et des intentions chez autrui évoluant depuis l'enfance. Des centres d'intérêts restreints sont également rapportés. On note des particularités perceptives comme une hypersensibilité haptique, aux bruit et à la lumière. M S. aurait une pensée visuelle.

Selon les scores obtenus aux tests diagnostiques et au vu des éléments recueillis, le diagnostic de trouble du spectre de l'autisme sans déficit intellectuel est retenu." (ils ne disent plus Asperger depuis 2013 apparemment)

Dans le rapport détaillé précédant cette conclusion, on peut lire:
"M S. est calme et coopérant. Il ne soutient pas le regard de l'interlocuteur. Le débit verbal est adapté ainsi que le contenu du discours. Il n'y a pas de stéréotypie verbale. La voix est peu modulée, présentant une anomalie de la prosodie affective et une tonalité monocorde. L'expression mimique et la gestuelle sont diminuées.

M S. est en difficulté pour comprendre l'implicite dans le propos d'autrui ainsi que pour identifier spontanément le sens figuré des mots. La compréhension des codes sociaux qui régissent les interactions sociales est également difficile et serait, de ce fait, source de fatigue au quotidien en lien avec les ressources cognitives mobilisées par le patient pour y accéder partiellement. Concernant les émotions, M S. a des problèmes pour les identifier et les exprimer: les siennes ainsi que celles d'autrui. La théorie de l'esprit nous semble altérée et la capacité à faire preuve d'empathie, diminuée.

Le discours de M S. peut être parfois logorrhéique et l'interlocuteur doit intervenir à plusieurs reprises pour canaliser la conversation. On remarque la tendance à rechercher les mots exacts pour s'exprimer en rendant parfois le discours peu fluide.
M S. investit la communication non verbale en utilisant des gestes informatifs et descriptifs. Les gestes émotionnels sont très peu utilisés.

M S. a un bon contact oculaire. Il dirige un éventail limité d'expressions faciales vers l'interlocuteur mais en général, la relation est confortable et de bonne qualité. M S. ne comprend pas toujours ses ressentis ainsi que ceux des autres (sauf si exagérés). La conversation est plutôt à sens unique, rarement réciproque, mais confortable et soutenue.

M S. réalise des activités créatives et d'imagination. Il a tendance à se focaliser sur les détails au détriment du global. On remarque des difficultés lors de la tâche "raconter une histoire à partir d'un livre". M S. se dit être en difficulté lorsqu'il est face à des activités ou des éléments considérés illogiques."

Dans la partie sur les données du Bilan Neuropsychologique, il est écrit:
"Les performances du sujet sont significativement en dessous de la moyenne attendue. Cliniquement, le patient semble parfois détecter qu'un faux pas a possiblement été commis, mais ne semble pas parvenir à isoler les éléments pertinents de l'histoire permettant de trancher en faveur ou en défaveur d'un faux pas, ce qui donne au total des performances tournant autour du hasard (c'est à dire 50%)"

Il y a également eu une partie, dans le test du QI, sur la faiblesse dans les capacités d'inhibition (en gros, la première réponse qui me vient à l'esprit est celle que je sors, hors contexte, comme le mot vert écrit en bleu. Je suis censé dire la couleur mais je dis le mot écrit) et des difficultés dans la restitution d'informations générales.

La boucle est donc bouclée. Je vais pouvoir m'accepter pleinement avec mes différences, apprendre à retirer le masque social et ... laisser mes ressentis s'exprimer, puisque je ne peux comprendre les gens par la théorie de l'esprit.

J'ai la sensation d'avoir posé mes valises, c'est étrange.

Le constat que j'ai toujours fait, aussi loin que je puisse m'en rappeler (c'est à dire l'âge de 4 ans), c'est: "je ne comprends pas les gens. Je ne comprends pas leur manière de penser, de réagir, pourquoi ils ont telle ou telle émotion en réaction à certains événements. Je ne comprends pas. J'ai l'impression d'être vraiment différent d'eux". Ça a entrainé une sorte de déprime chronique, de découragement, lassitude. Malgré tous mes efforts, je n'ai jamais réussi à comprendre les gens qui m'entouraient. A 19 ans, j'ai dit à ma sœur que je portais un masque en permanence et que je ne me sentais moi-même avec personne.

Je prends tellement sur moi tous les jours pour avoir l'air comme tout le monde, avoir les mêmes réactions que les gens aux mêmes sujets... que je me suis complètement coupé de moi-même, ce qui a provoqué beaucoup de tristesse. Et même en essayant de mimer les gens, je suis de plus en plus mis de côté par les collègues, à chaque mission, ce qui me décourage profondément. Quand j'étais instit, c'était pareil. Au bout de quelques mois, presque plus personne ne me parlait.

Mais si je ne copiais pas les réactions des gens au travail... je ne réagirais pas. Je ne trouve pas drôle les mêmes choses que mes collègues, je suis amusé par des choses qui les font juste sourire. J'ai une manière de penser très différente d'eux. Je vibre profondément pour des choses qui les laissent de marbre, comme certains films profonds tels "In America", ou certains morceaux classiques.

En fait, c'est exactement ce dont Josef Schovanec parle ici (la vidéo dure 3min48):


Josef Schovanec par autisme_info31

Cette comédie sociale m'épuise et j'aspire à ne plus la faire quand je serai employé par une boite d'informatique qui embauche des autistes asperger informaticien. Je les ai contactés pour les rejoindre après ma mission actuelle si je parviens à la mener à son terme, c'est à dire novembre 2018.

Quand le centre expert m'a montré des dizaines de photos en me proposant quatre émotions à chaque fois, je regardais les visages et j'avais l'impression qu'ils n'exprimaient rien. Je cherchais des indices, comme l'angle des sourcils, l'orientation du regard, la bouche, mais je suis resté longtemps devant chaque photo, à éliminer par déduction les propositions. Il m'est à plusieurs reprises arrivé de dire qu'aucune des quatre propositions ne reflétait pour moi ce que je pensais que la personne ressentait. J'avais déjà vu ces expressions sur les visages de mes collègues, mais je m'étais toujours demandé ce qu'elles signifiaient. Je me basais sur leurs paroles pour en tirer des conclusions.

Je suis différent, mais... je crois que ce n'est pas grave au final. Nous le sommes tous. Mon hyperacousie me permet de vivre la musique de façon profonde et unique. J'entends vibrer les cordes, les sons se prolonger, se mélanger... depuis que j'ai découvert la musique, un monde s'est ouvert à moi. Un jour, je l'espère de tout cœur, je reprendrai des cours de solfège et de composition musicale. J'y aspire profondément. J'ai la capacité de concevoir des schémas d'architecture logicielle complexes, ai une grande mémoire auditive. J'ai aussi une très grande sensibilité.

Comme me l'a dit mon oncle, que j'ai l'étiquette asperger ou non, j'ai toujours vécu avec, ça ne changera probablement rien sinon m'éclairer sur la raison de mes difficultés. Comprendre pourquoi je les ai toujours vécues en me sentant différent, anormal. Mais ce n'est pas qui je suis, ça ne change rien à ce que je suis, et je ne suis pas moindre en l'étant, comme une personne n'est pas moindre en étant sourde ou aveugle. Elle est juste différente, et ce n'est pas grave.

En fait, et j'espère que ça en sera le cas, j'ai voulu avoir un diagnostic car j'ai passé tant d'années à essayer de comprendre "ce qui clochait chez moi" à travers des livres, des films, des thérapies avec des psychiatres, des traitements médicamenteux (je ne prends plus rien depuis mars 2013)... que j'étais découragé de ne pas savoir. Je me sentais déphasé en permanence, décalé, différent, mais je ne comprenais jamais pourquoi. La sensation d'être un extra-terrestre sur cette planète.

En fait, je me savais décalé, déphasé, mais j'ignorais que c'était à ce point. Le résultat du diagnostic m'a étonné. Ce que mon père a dit sur moi aussi, sur mon enfance (que j'étais un enfant solitaire, que je n'allais jamais vers les gens, que je jouais dans mon coin à des jeux de construction sans rechercher la compagnie de la famille, que je souriais peu). Je n'avais pas le souvenir d'être ainsi, et c'est frappant.

Et à présent, on sait. J'ai un trouble du spectre autistique. Certaines choses peuvent évoluer, d'autres ne changeront jamais. J'ai des deuils à faire, et le coeur en joie à avoir concernant ce qui pourra s'améliorer. L'autisme fait partie de moi, mais ne me caractérise pas, n'est pas moi. Et sûrement grâce à l'autisme, j'ai embrassé le bouddhisme, le reiki, la musique, le dessin, le chant, l'écriture, la voyance...

Je crois que si je m'accepte avec ma différence, je serais plus heureux, plus épanoui. Il y a aussi des conditions extérieures qui doivent changer pour mon équilibre personnel, et j'y travaille (notamment travailler 3 jours sur 5 en semaine pour commencer à privilégier ma vie spirituelle en me tournant vers les autres comme je le peux les deux derniers jours)

Je suis sûr que grâce au bouddhisme, j'ai déjà énormément évolué et j'évoluerai encore.

A voir: http://www.syndromedaspergerlewebdoc.fr/