Les autistes aspergers ne ressentent rien, n’ont pas d’émotions… non

Ces derniers jours, j'ai entendu deux fois la même idée reçue que je me dois de démentir, car l'image de l'autiste dans sa bulle, qui ne ressent rien, qui n'éprouve rien, est fausse. Vraiment fausse.

S'il vous plait, ne pensez pas cela. S'il vous plait.

Je ne représente pas tous les autistes aspergers, mais je vais vous expliquer comment je ressens, même si j'ai déjà écrit un article récemment au sujet des émotions.

Je ressens des choses. Profondément. Et tout le temps, je dirais. La plupart du temps, du mal-être, sauf lors de certaines périodes de méditation intensive, lorsque je pratique le reiki et la sophrologie quotidiennement, lorsque je fais du sport... je vis alors de belles périodes très positives où je me sens plus empathique que d'habitude.

Comme le dit Julie Dachez (pseudo Super Pépette sur youtube), nous ressentons très fortement les émotions, de manière généralement exagérée. Si je suis triste, je suis très triste, si je suis joyeux, je me sens très joyeux, si j'aime, je vais aimer profondément... il n'y a pas, en ce qui me concerne, de demi-mesure. Et c'est finalement tout le problème.

Je peux être très ému par un poème, une chanson, un film ou plusieurs passages d'un film, un livre. Je parlais dans un autre article de la souffrance animale, de celle de mes enfants ou de mes amis très proches que je ressens profondément et que j'aimerais apaiser. Je peux me sentir très en colère quand les gens sont éloignés les uns des autres, ne respectent pas la planète, ne respectent pas les autres. Je suis aussi très blessé quand je suis jugé.

Il est véritablement... injuste de dire que les autistes asperger ne ressentent rien.

Ce qui est vrai en ce qui me concerne, est que je ne comprends pratiquement jamais les gens: leur manière de penser, leurs réactions, leurs émotions et sentiments. J'ai en permanence la sensation d'être un extra terrestre sur cette planète et j'avais pour habitude, à 20 ans, de regarder mes semblables en pensant: "que les humains sont étranges".

Je dois intellectuellement comprendre les émotions des autres, ce qu'il faut faire, dire, ne pas faire et ne pas dire. Je commets beaucoup d'impairs sociaux.

Je me coupe tant de moi-même quand je suis à l'extérieur qu'il devient extrêmement difficile pour moi de montrer mes émotions, de partager mes sentiments. C'est devenu naturel de me déconnecter de moi-même la journée pour fournir toute mon énergie à jouer le jeu de la socialisation, ce qui entraîne chez moi une fatigue immense.

Cette fatigue me pousse à voir très peu de gens si c'est possible le soir et les week-end, pour enfin me reconnecter à moi-même, pour enfin analyser mes émotions.

De manière générale, mes émotions sont confuses, intenses, et s'emmêlent. Parfois, elles sont si mélangées que je ne sais pas vraiment ce que je ressens réellement et je reste impassible, ou j'ai une réaction décalée, car je ne sais pas exactement comment je me sens à l'intérieur. C'est compliqué, stressant, et ça provoque en moi un mal-être global, général.

Cependant, ce que j'observe vraiment, c'est que je ressens souvent le désir d'aider les gens, d'être là pour eux, même si je ne sais pas ce que je devrais faire.

Dire que nous n'aimons pas les gens, que nous ne ressentons rien, que nous ne pouvons être émus ou touchés... c'est véritablement se tromper sur les personnes avec autisme asperger.

En fait, le manque d'expression des émotions, le "manque d'empathie" qui semble être le mien, les réactions décalées fait que l'on pense que les personnes avec autisme ne ressentent rien. Et penser cela de nous... en ce qui me concerne, ça me fait très mal.

Ca me fait mal car je me coupe tellement de moi que je me sens souvent peu touché par ce qui arrive à la plupart des gens, et je me sens si mal de ne rien ressentir dans ces moments là. Mais en même temps... je me sens si coupé de moi-même quand je suis à l'extérieur, que je ne peux pas espérer ressentir quelque chose concernant les autres.

Cependant... ce qui a toujours motivé ma vie, et je sens que c'est ce qui la motivera longtemps... c'est de passer plus de temps avec moi-même (quitte à alléger, si possible, ma charge de travail un jour), essayer de vraiment bien me comprendre et... commencer à dire autour de moi que je suis autiste asperger, ou en tout cas que j'ai eu un fort prédiagnostic et que j'attends de voir ce que le centre expert Asperger de Créteil va me dire concernant le degré de mon autisme. Mais pour l'hôpital qui a diagnostiqué mes enfants, le doute n'est pas permis, je rentre dans "trop de cases".

Mon but est de me connecter profondément aux gens. En cessant d'avoir des discussions légères. En partageant nos émotions, nos sentiments, en laissant tout cela sortir. En véritablement tentant de montrer qui nous sommes. Et là, je vous promets que vous ne penserez plus que nous sommes des personnes froides, insensibles, qui ne ressentent rien, qui n'ont aucune empathie. Vous découvrirez des êtres qui ressentent intensément, peut-être trop, qui sont souvent très fatigués de devoir jouer le jeu social, d'échanger à longueur de journée. Des êtres qui sont souvent attachés aux détails également.

Mais qui ressentent. Profondément. Et qui tentent de vous comprendre même si c'est déjà difficile de nous comprendre nous-mêmes.

A voir: http://www.syndromedaspergerlewebdoc.fr/

S'il vous plait, regardez cette vidéo, c'est vraiment important.