Lâcher prise – le danger de porter des jugements sur sa vie

Je vais aborder ce soir un des points les plus délicats de la vie de tout un chacun: la difficulté de lâcher prise sur notre vie.

Moi le premier, je désire que les choses se passent de telle ou telle manière. Je suis seul depuis un an, et j'aimerais sincèrement avoir quelqu'un de bien dans ma vie. Je suis bloqué chez mes parents et j'aimerais, à 32 ans, avoir à nouveau mon chez-moi et que ce divorce contentieux soit terminé. J'aimerais voir mes enfants tous les jours et pas 5 jours par mois et la moitié des vacances scolaires.

Mais rien de tout ceci n'arrivera avant longtemps. Alors je peux prendre mon mal en patience et être morose, me dire que ma vie n'est vraiment pas facile en ce moment, ou tenter (car j'ai conscience que c'est difficile pour tout le monde) de retirer le jugement sur la situation.

Porter un jugement sur une situation influe directement sur notre humeur. Si l'on pense que tel événement est positif ou négatif dans notre vie, nous allons réagir très différemment. Mais ce n'est qu'un jugement, qu'une évaluation subjective de la situation.

Laissez-moi vous mettre ici l'histoire d'un paysan chinois qui refusait de juger les situations de sa vie:

Un paysan Chinois suscitait la jalousie des plus riches du pays parce qu'il possédait un cheval blanc merveilleux. Chaque fois qu'on lui proposait une fortune pour l'animal, le vieillard répondait :
"Ce cheval est beaucoup plus qu'un animal, pour moi, c'est un ami, je ne peux pas le vendre."

Un jour, le cheval disparut. Les voisins rassemblés devant l'étable vide donnèrent leur opinion : "Il était prévisible qu'on te volerait ton cheval. Pourquoi ne l'as-tu pas vendu ? "

Le paysan se montra plus dubitatif:

"N'exagérons rien, dit-il. Disons que le cheval ne se trouve plus dans l'étable. C'est un fait. Tout le reste n'est qu'une appréciation de votre part. Comment savoir si c'est un bonheur ou un malheur ? "

Les gens se moquèrent du vieil homme. Ils le considéraient depuis longtemps comme un simple d'esprit.

Quinze jours plus tard, le cheval blanc revint. Il n'avait pas été volé, il s'était tout simplement sauvé et présentement ramenait une douzaine de chevaux sauvages avec lui. Les villageois s'attroupèrent de nouveau.

"Tu avais raison, ce n'était pas un malheur mais une bénédiction."

"Je n'irai pas jusque là, fit le paysan. Contentons-nous de dire que le cheval blanc est revenu.

Comment savoir si c'est une chance ou une malchance ?"

Les villageois se dispersèrent, convaincus que le vieil homme déraisonnait. Recevoir douze chevaux était indubitablement un cadeau du ciel. Qui pouvait le nier ?

Le fils du paysan entreprit le dressage des chevaux sauvages. L'un d'eux le jeta à terre et le piétina. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis :

" Pauvre ami ! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t'ont pas porté chance.

Voici que ton fils unique est estropié. Qui donc t'aidera dans tes vieux jours ? Tu es vraiment à plaindre. "

" Voyons rétorqua le paysan, n'allez pas si vite. Mon fils a perdu l'usage de ses jambes, c'est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté ? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l'avenir."

Quelques temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du pays furent enrôlés dans l'armée, sauf l'invalide.

" Vieil homme, se lamentèrent les villageois, tu avais raison, ton fils ne peut plus marcher, mais il reste auprès de toi tandis que nos fils vont se faire tuer."

"Je vous en prie, répondit le paysan, ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l'armée, le mien reste à la maison, c'est tout ce que nous puissions dire. Dieu seul sait si c'est bien ou mal."

Quelques mois plus tard, la guerre se termina. Certains n'en revinrent pas. D'autres rentrèrent, couverts de gloire et chargés d'un riche butin de guerre.

- Tu n'as pas de chance, dit le voisin, ton fils n'est pas revenu riche de la guerre.

- Est-ce une chance est-ce une malchance ? Qui peut le savoir ? dit le paysan. Richesses vite accumulées, richesses vite dilapidées dit le proverbe. Et la misère revint, encore plus dure à supporter après une période d'abondance.

- Tu as de la chance, dit le voisin. Ton fils n'est pas rentré riche de la guerre, mais il n'est pas tombé dans cette misère noire et déprimante où sont en train de sombrer nos propres enfants.

- Est-ce une chance, est-ce une malchance, dit le vieux paysan. Qui peut le savoir ?

Aujourd'hui, tout ceci me parait très difficile à vivre, mais qui me dit que tout cette histoire ne me permettra pas d'aider quelqu'un qui vivra une situation similaire, ou encore un de mes fils? Qui me dit que si je n'étais pas retourné chez mes parents, je ne serais pas passé à côté de ce que je vis avec eux en ce moment?

Je reste persuadé que rien n'arrive par hasard, que nous attirons à nous des événements.

Un jugement reviendrait à dire: "mais pourquoi attirons-nous à nous des choses négatives?" Encore une fois, ce serait un jugement de la situation.

Lâcher prise, c'est accepter que l'on ne peut contrôler que la manière dont certains événements nous impactent et savoir que tout événement ne se produit pas par hasard.

Selon "Conversations Avec Dieu", il est impossible que nous manquions la destination. Nous ne pouvons pas râter notre vie car notre âme nous guide vers des expériences afin que nous nous réalisions selon nos désirs supérieurs dont nous avons rarement conscience.

Lâcher prise revient à accepter que tout s'est déroulé comme il le fallait, même si cela a apporté énormément de souffrance. Que c'est quelque chose que nous avons choisi, à un niveau supérieur, de vivre, comme nous unir à telle personne, postuler à ce travail... même si ça se passe "mal". Il y aura toujours quelque chose à retirer de cette expérience.

Mais je suis humain. Nous le sommes tous. Et bien évidemment, même en acceptant de lâcher prise, il y aura des moments où le jugement d'une situation nous fera souffrir et où nous ne souhaiterons qu'une chose: que la roue tourne.

Elle tourne, toujours. Dans un sens comme dans l'autre. Rien ne reste jamais dans un état fixe.

La solitude affective, la trahison, l'humiliation, les mensonges, le décès, le manque d'argent, l'échec professionnel... toutes ces choses peuvent nous atteindre profondément et nous mettre à terre. L'important, si l'on sent que ça arrive, est de ne pas réprimer nos sentiments, de les laisser remonter pour les exprimer afin de pouvoir s'en libérer. D'accepter que l'on puisse tomber et de savoir qu'il y aura toujours quelqu'un pour nous aider à nous relever. Et si cette personne n'est pas physique, alors ce sera notre ange, Dieu, ou une personne décédée de notre famille. Lorsque nous aurons l'impression de ne plus avoir la force pour se libérer de tout cela, ils seront là pour nous aider.

A présent, je vous demanderai de considérer un des événements les plus difficiles de votre vie, et d'écrire sur une feuille ce que cela a pu vous apporter (caractère renforcé par exemple) ou tout ce que vous pourriez en tirer comme leçon positive de la vie.

En ce qui me concerne, mon divorce... j'ai appris que je pouvais mener à la fois une reconversion au CNAM, être père de famille et époux. J'ai appris que je pouvais aimer sincèrement.

J'ai appris qu'il faut accorder sa confiance en prenant tout son temps, et que ce n'est pas du temps gâché.

J'ai appris que j'étais heureux d'être père mais que ce n'était pas toujours un rôle facile à endosser.

J'ai appris que je pouvais survivre sans voir mes enfants chaque jour, même si ne pas les voir tous les jours que Dieu fait me fait souffrir car je juge la situation triste et injuste.

J'ai appris que ce que je pensais impossible, à savoir supporter le fait de retourner vivre chez mes parents, était finalement possible.

J'ai appris que l'on peut se sortir d'un divorce en grandissant, même si l'on a alors des cicatrices bien marquées.

Et j'ai appris que j'avais énormément de gens autour de moi qui étaient là pour me soutenir.