Les émotions dérangeantes qui perdurent – comment se réconcilier avec elles?

Depuis quelques temps, j'ai le projet de créer une chaine youtube sur le bonheur. Mais voilà, pour en parler, il faut le connaître, le vivre, pas juste en avoir une vision théorique. Et même si j'ai fait de nombreux progrès à une époque, je suis retombé dans des "travers psychologiques" qui freinent considérablement ma progression vers le bonheur.

Alors j'ai décidé de m'y remettre. Car si l'on n'est pas heureux dans la vie, je ne la considère pas digne d'être vécue. Mon cheval de bataille en ce moment? La gestion des émotions et l'acceptation de soi.

Il y a la gestion des émotions qui nous tirent vers le bas (tristesse, inquiétude voire panique, colère), qui peuvent être soudaines, passagères.

Et il y a celles qui sont là depuis si longtemps qu'elles en sont devenues des traits de caractères qui nous rendent malheureux. C'est sur celles-là que je me suis penché récemment, en même temps que d'autres dont je parlerai dans un prochain article.

Je fais ce travail avec une personne que l'on m'a recommandée et qui m'aide à gérer mes émotions (ce qui est toujours compliqué chez les autistes).

La première étape, la plus facile, est de reconnaître un état d'esprit, une pensée persistante.

Les miennes:

  • réticence à prendre le temps de m'amuser, me détendre
  • refus de me pencher sur un état d'esprit perturbant par une méditation. Je choisis alors de "fuir" en regardant des séries, des films, pour éviter de penser à ce qui me perturbe
  • peur de manquer d'argent
  • peur de manquer de temps
  • anxiété qui peut déboucher sur des sensations de panique
  • manque de confiance en moi (en ce que je suis, ce que je veux, ce que je peux)
  • peur d'être heureux et de perdre ce bonheur
  • Désintérêt dans l'acquisition de biens matériels technologiques récents

Avec cette thérapeute, nous avons travaillé sur les points 2, 3, 5 et 8. Le point 2 a été travaillé avec la méthode tipi car cela se manifeste par des peurs brusques, l'ascenseur émotionnel si vous voyez ce que je veux dire. C'est ce dont je parlerais dans un prochain article.

Prenons le point 1, celui sur lequel j'ai travaillé seul ce matin. Car depuis plusieurs années, je m'interdis de m'amuser. J'ai acheté tout ce qu'il faut pour m'amuser, mais je me l'interdis, sauf quand mes enfants viennent le week-end (car je me dis qu'il faut qu'ils s'amusent, que c'est important, et alors que je n'ai pas à me préoccuper du travail. De même, si je pars en vacances, comme je dois me couper du travail, je n'ai plus aucune barrière pour prendre du bon temps et m'amuser, me détendre, lire, jouer de la guitare)

Etape 1: reconnaître la pensée persistante

Cette étape est donc franchie, c'est la plus simple de toutes.

 

Etape 2: accepter qu'il s'agit d'une partie protectrice de notre esprit

Selon cette thérapeute, des programmes, des aspects de nous sont là pour nous protéger, qui se sont mis en place suite à certaines expériences vécues, à certains événements. Quand on a vécu une expérience douloureuse, un aspect protecteur de nous se créé dans le psychisme. Cet aspect va faire en sorte que si une situation de ce type se reproduit, on va trouver une parade pour ne pas revivre la douleur qu'elle provoque. Un aspect protecteur.

Si on choisit de voir ces aspects de nous comme protecteurs, on va changer de regard sur ce qui se passe en nous. On est souvent très dur avec ces parties protectrices: "c'est de la fainéantise, du laisser-aller, de la fuite".

 

Etape 3: se concentrer sur la manière dont on ressent la situation

Cette étape est très importante car on apprend à s'écouter. Dans mon cas, ne jamais vraiment m'autoriser à m'amuser si je ne suis pas avec mes enfants se manifeste par de la tristesse. Peut-être même la sensation que quelque chose est mort en moi. Et je ne peux m'y résigner.

Et à partir de là, il faut prendre un petit temps pour se connecter à ce sentiment de tristesse, de mort intérieure.

Et si j'écoute cette tristesse, cette mort intérieure, je ressens des battements cardiaques plus importants. Un sentiment de solitude s'installe.

A ce moment là, il ne faut rien essayer de stopper mais observer ce que cela fait de faire l'expérience de cette solitude, de cette mort intérieure. Juste avant, je la ressentais, j'en prenais conscience. Mais à présent, je dois voir comment je me sens en vivant cette expérience qui s'est conscientisée, pour prendre du recul, ne pas se laisser envahir par ça.

J'ai alors la sensation d'un manque de contact, d'isolement, peut-être même de résignation.

En général, si je continue de ressentir des sensations physiques particulières (battements cardiaques, vide au niveau du hara), ma thérapeute me demande d'observer le coeur et de voir si c'est inconfortable. Et là, c'est étonnant, mais ça ne l'est pas réellement. Comment est-ce possible? En observant, en ne jugeant pas cette sensation, elle ne m'envahit pas, n'est pas inconfortable. C'est même plutôt calme. J'accueille l'émotion.

Là, si je reprends le travail fait avec ma thérapeute, je comprends que cette partie de moi qui se sent seule, isolée, résignée a besoin d'être entendue et écoutée. Et là, un autre travail commence.

 

Etape 4: aller à la rencontre de cette partie de nous-même

C'est le moment d'établir un dialogue. Cette partie de moi, est-ce qu'elle se voit en train d'être observée? Dans mon cas, oui. Si, comme cela m'est arrivé dans certaines séances, je ne visualise rien, je me sens collée à cette sensation, ma thérapeute me demande d'observer ce qui constate que je suis collé à cette sensation. Et là, étrangement, un recul se produit. J'ai la sensation d'accéder à une partie plus haute de moi-même, plus calme, qui observe le mental mais qui n'est pas le mental.

Si je n'y parviens pas comme c'est arrivé lors d'une séance,ma thérapeute me demande me m'adresser à cet aspect de moi et de lui dire qu'on aimerait tellement pouvoir la comprendre, essayer de l'apaiser, de l'aider mais pour le faire, il faudrait qu'elle se décolle un peu car si elle est collée à moi, je ne peux la voir.

Je dois obtenir "le consentement" de cette partie de moi de se décoller un peu. Il m'est arrivée qu'elle refuse, qu'elle veuille rester collée. J'ai alors dû lui dire: j'entends que tu as peur de lâcher, que tu cherches à me protéger. Merci d'être là et de faire ce que tu fais car tu me protèges de quelque chose. Le but de faire cela n'est surtout pas destiné à se débarrasser de cette partie de moi pour ne plus ressentir de tristesse. Si des parties de moi résistent, je dois juste me contenter de tout accueillir.

 

Etape 5: visualiser de cette partie de nous qui se manifeste

A ce stade, en général, ma thérapeute me demande si je vois cette partie de moi qui se sent ainsi.

J'ai alors l'image d'une personne qui porte un chapeau pointue comme lorsque nous faisions la fête au réveillon du jour de l'An, enfants, mais qui est tout seule, dans une pièce sombre, comme une immense prison plongée dans le noir, avec juste une table et une petite lampe de bureau. Une personne qui a la tête enfouie dans les bras, qui se sent seule, triste. Vraiment seule.

En général,ma thérapeute me demande si cette partie de moi a conscience de moi, si elle se sent entendue, si elle sent qu'elle me s'adresser à moi et que je l'écouterai. Et là, le constat est sans appel. Elle est résignée. Elle ne se sait pas entendue, sauf en de rares moments où on l'autorise à s'exprimer. J'ai l'image d'un immense cadenas que j'ouvre en de rares occasions, mais la plupart du temps, cette partie de moi ne peut même pas tenter de communiquer avec moi-même. Elle s'est résignée. Elle est juste prisonnière.

A présent que je l'observe, elle en a conscience mais ne réagit pas plus que ça. Ma thérapeute me demande en général à ce stade ce que je ressens pour elle, envers elle. De la tendresse. Je la croyais morte, que cette partie en moi était juste artificielle, et je vois qu'elle est bien vivante, mais enfouie en moi. Et je veux l'aider, je ne désire pas qu'elle soit triste. J'ai de la compassion pour elle, donc pour moi, au final.

 

Etape 6: communiquer avec cette partie de nous

Une question arrive: comment te manifestes-tu dans ma vie? En ce qui me concerne, elle se manifeste quand, le midi, je veux montrer des vidéos drôles aux collègues pour les détendre. Elle se manifeste quand je cherche des jeux vidéos pour mes enfants sur internet, pour les vacances, le week-end. Elle se manifeste quand je cherche des activités chouettes pour mes enfants. Elle se manifeste quand je m'achète un jeu vidéo en me disant que j'y jouerai quand j'en prendrai le temps.

Une seconde question à poser: dans ma vie de tous les jours, à quoi tu me sers? Une image me traverse l'esprit: à ne pas m'assécher. J'ai l'image que je médite et que je deviens un humain-arbre, gris, desséché... mort. Elle m'empêche de mourir intérieurement, de me dessécher. Il est alors temps de la remercier d'être là et de faire ce qu'elle fait.

Troisième question: si tu ne faisais pas ce que tu fais, que craindrais-tu qu'il arrive? Et là, je perçois l'image de la mort psychologique. Je m'imagine allongé, n'ayant plus goût à rien, attendant juste la mort. C'est frappant. On n'imagine pas que l'on a tout cela en nous tant que l'on n'a pas creusé. Il est alors temps de la remercier à nouveau d'être là et de faire ce qu'elle fait pour m'éviter cette souffrance.

Quatrième question: depuis combien de temps es-tu en moi? Depuis combien de temps m'empêches-tu de tomber dans cet état de désintérêt total pour la vie? Elle a toujours été là. Et elle s'est manifestée plus fortement lorsque j'ai commencé à être enseignant, car c'était difficile. Et elle ne voulait pas que je sombre. Et elle a commencé à se sentir muselée quand j'étais en seconde, puis en 1ère S. En seconde, les difficultés scolaires ont commencé et il a semblé que l'amusement n'était plus vraiment à l'ordre du jour. Il n'était toléré que si les leçons étaient bien apprises et les exercices maîtrisés. Puis quand j'ai repris mes études en cours à distance en parallèle de mon métier d'enseignant. Et là, je devais réussir mes études pour quitter ce métier qui ne me convenait plus. L'amusement n'avais plus vraiment sa place. De temps en temps, avec mon ex-femme, il a été autorisé. Mais trop peu de fois. Le sérieux, l'assiduité ont pris le dessus. Et la possibilité de se distraire par l'amusement s'est vue muselée, presque emprisonnée en moi.

Et là, ça devient intéressant. Car jusque là, j'ai dialogué avec une partie de moi-même, mais réprimée. Qui joue un merveilleux rôle dans ma vie, mais qui n'est pas libre de s'exprimer. Mais qui l'en empêche? C'est à présent avec cette partie protectrice que je dois communiquer, à présent que j'ai entendu la partie de moi réprimée et qui se sent triste, résignée.

Et là, je perçois au contraire une sorte de garde, sévère, le visage fermé, qui garde le cadenas géant. Il est là pour empêcher le désir de s'amuser de s'échapper alors qu'il n'est pas utile. Et là, le travail recommence avec les mêmes questions: a-t-elle conscience que je l'observe? Comment se manifeste-t-elle dans ma vie? Dans ma vie de tous les jours, à quoi me sert-elle? Si elle ne faisait pas ce qu'elle fait, qu'est-ce qu'elle craindrait qu'il arrive? Depuis combien de temps est-elle en moi?

Il m'est arrivé lors de certaines séances de communiquer uniquement avec la partie protectrice, mais là, c'est une première, j'ai aussi communiqué avec la partie protégée. Et je lui ai posé les questions que je pose normalement à la partie protectrice! Mais rien de tout cela n'est inutile, il faut aller à la rencontre de soi-même et se parler, raccrocher tous les wagons de la conscience.

La plupart du temps, je n'observe pas cette partie protectrice et elle semble agir de son propre chef. Là, elle vient de prendre conscience que je l'observe et pose un regard suspicieux sur moi. Elle sait ce qu'elle a à faire et je n'ai pas à l'observer ou à tenter de communiquer avec elle.

Elle accepte de communiquer mais à condition que ça soit bref et concis. Très militaire et rigide.

Comment te manifestes-tu dans ma vie? Je suis là quand tu es distrait, pour que les choses avancent et que tu produises de la qualité, que tu ne rêvasses pas.

Dans ma vie de tous les jours, à quoi tu me sers? A t'empêcher de te disperser. A te recadrer quand tu voudrais prendre du bon temps alors que tu n'as pas atteint ton objectif, que tu n'as pas fait assez bien.

Si tu ne faisais pas ce que tu fais, que craindrais-tu qu'il arrive? Tu n'atteindrais jamais ou rarement tes objectifs. Tu te disperserais, serais fatigué car tu essaierais de jouer mais aussi de trouver du temps pour travailler et tu n'aurais pas le temps pour bien faire les deux. Je t'épargne du stress en t'aidant à te concentrer uniquement sur ton travail. Je t'aide à ne pas être trop fatigué. Là, une question importante s'est posée: si je n'atteignais que rarement mes objectifs, que se passerait-il? Et là, la réponse est rapide: je passerais ma vie à végéter, à la gâcher, à ne rien accomplir. Je découvre donc que je considère qu'une vie sans accomplissement extérieur est une vie gâchée.

Depuis combien de temps es-tu en moi? Depuis la quatrième. Depuis que tu as entendu ta mère dire à ton père que tu jouais trop alors que tes résultats n'étaient pas bons dans certaines matières. Et je me suis remanisfesté quand tu étais en seconde, puis en Première, Terminale, et toutes les années qui ont suivi.

Merci d'être là. Merci de faire ce que tu fais. J'entends tout ce que tu fais pour moi. Je comprends que tu l'as fait pour m'aider à resté concentré, à bien faire les choses.

 

Etape 7: renouer avec nous-même à l'âge où cette partie de nous-même n'a plus été capable de s'exprimer correctement

Pour cela, il faut d'abord demander à la partie protectrice si elle est d'accord que je rentre en communication avec l'adolescent de 14 ans que j'étais, puis avec l'adulte de 23 ans.

Une fois que cela est possible, il est important de parler à cette partie de nous-mêmes à cet âge, puis de l'emmener dans le présent afin qu'elle ait connaissance de toute une partie de mémoire qu'elle ignore (car restée bloquée à cette époque). De l'aider à s'apaiser, de la rassurer, de lui dire que l'on fera face aux difficultés de la vie avec elle.

Puis, une fois que cet adolescent est dans le présent, qu'il réalise quel est le présent, lui demander ce qu'il n'a pas pu développer comme ressource à l'époque, ce qui l'a poussé à réprimer ce désir de se distraire, de s'amuser. Et ce qu'il va pouvoir développer aujourd'hui, alors qu'il est en parfaite sécurité.

S'il n'avait jamais eu ces difficultés scolaires, qu'est-ce qu'il aurait développé comme qualité dans sa vie ? De fédérer des rencontres. D'organiser des jeux entre amis. D'oser sortir s'amuser le soir sans penser toujours au travail à faire. D'écrire des livres dont tu es le héros. De travailler en s'amusant. De parfois renoncer à passer certains examens pour se détendre et profiter davantage de la vie car le temps passe et ne se rattrape jamais. De continuer d'apprendre le japonais seul. D'écrire des nouvelles. De dessiner. De persévérer dans la composition.

Puis lui demander si aujourd'hui, il peut commencer à faire de petits pas pour tendre vers cela? De quoi aurait-il besoin pour cela? En ce qui me concerne, d'accepter la situation. De cesser de penser que seule la compétence fait la valeur d'une personne. De faire de son mieux et de voir s'il parvient à réussir ce qu'on lui demande. S'il y parvient, c'est bien. Sinon, il peut réessayer. Et si vraiment ça ne passe pas, ce n'est pas grave. C'est que ce n'est pas pour lui. Qu'on ne peut être bon partout et qu'il faut trouver sa voie. Mais cesser de s'inquiéter de ne pas la trouver et de ne pas exceller dans un domaine. Que c'est ok d'avoir des difficultés et que même s'il faudra parfois travailler dur pour y arriver, on a aussi le droit de s'amuser. Que ça n'est pas une perte de temps et que ça ne discrédite pas le travail fourni. Qu'il n'y a pas besoin de s'acharner comme un fou pour y parvenir et que parfois, il faut savoir se détendre pour mieux travailler. Et qu'on pourra se détendre à nouveau après.

Qu'il peut s'amuser seul et aussi inviter des gens à s'amuser avec lui. Mais qu'il n'est pas condamné à travailler d'arrache pied pour un résultat limité et ne pratiquement pas s'autoriser à s'amuser.

 

Etape 8: revenir vers la partie protectrice

Lui demander comment elle se sent par rapport à tout ça. Dans mon cas, elle se sent plus indulgente. Elle voit tous les moments où j'ai pu me détendre et que cela n'a pas perturbé mes résultats. Qu'au contraire, cela a permis que je me détende dans les moments où j'étais le plus tendu. Comme le fait de sortir prendre l'air puis de revenir travailler.

Dernière question: si, à présent, cette partie protectrice n'a plus besoin de me protéger avec une telle intensité, à quoi peut-elle être utile? A faire la part des choses. A reconnaître qu'il est important aussi de s'amuser, que ça n'empêche pas de bien travailler et qu'elle doit m'aider à trouver le bon équilibre. Travailler, se détendre, veiller à son sommeil, veuillez à s'aérer l'esprit... sans culpabiliser. En reconnaissant que je suis adulte et que je n'ai plus besoin d'avoir cette restriction. Et que je saurai m'auto-gérer entre le travail et l'amusement.

 

C'était un gros travail que j'ai fait sur moi et que je vous ai livré. Pour récapituler, j'ai suivi 8 étapes:

  1. Reconnaître une pensée persistante
  2. Accepter qu'il s'agit de l'action d'une partie protectrice de notre esprit
  3. Se concentrer sur la manière dont on ressent physiquement la situation
  4. Aller à la rencontre de cette partie de nous-même
  5. Visualiser cette partie de nous qui se manifeste
  6. Communiquer avec cette partie de nous
  7. Renouer avec nous-même à l'âge où cette partie de nous-même n'a plus été capable de s'exprimer correctement
  8. Revenir vers la partie protectrice

 

J'ai trouvé un article qui parle de cette technique d'auto analyse: http://www.fredetlesemotions.fr/mieux-se-connaitre.html

https://bordeaux-gestalt.com/2017/06/01/accueillir-une-emotion/

Et voici une petite vidéo d'un échange effectué avec cette thérapeute