Le don de soi et … la spiritualité

Ces dernières semaines, j'ai pu expérimenter l'attente et le don de soi. J'ai dû me remettre aussi en question par rapport à certains enseignements bouddhistes que j'avais mal compris. La frontière est si mince parfois!

Il y a peu de temps, j'ai écrit un mail à une amie, et les mots qui me sont venus collaient à ce que j'aimerais transmettre aujourd'hui, et que j'ai compris récemment. Avec son accord, je les retranscris ici.

Le temps passant, je me soucie de moins en moins de "moi" car je sais que ce que j'ai à un instant T, c'est exactement ce que je dois avoir pour avancer et que je ne dois pas désirer plus. Je dois avoir des aspirations (c'est une notion très importante en bouddhisme, sinon un être stagnerait à vie), mais si j'ai des désirs (qui plus est, précis, comme avoir plus d'argent, une petite amie, un appartement plus grand, etc, etc etc.), c'est que je ne comprends pas comment fonctionne le karma. C'est ce que Conversations Avec Dieu voulait dire par "ayez des intentions, mais pas d'attentes ni de préférences". Je crois que le bouddhisme dirait: "ayez des aspirations, comme offrir une belle vie à vos enfants, offrir de l'amour à autrui, mais n'ayez aucune attente sur la manière dont cela va être possible et se mettre en place dans votre vie"

Et plus je me "soucie des autres", plus je me sens rempli d'une joie profonde, car je ressens que mes épaules sont alors plus légères, car libérées du fardeau de "vouloir à tout prix me satisfaire".

La première pensée qui vient à l'esprit en lisant ceci, et qui est erronée, est la suivante: une personne ayant une telle pensée se "néglige" et "s'efface" au profit des autres.

En fait, ce n'est pas cela. C'est assez subtil, et il m'a fallu deux ans pour comprendre cette notion de l'intérieur (et peut-être que dans deux ans, je dirai que je n'en avais compris que la surface, qui sait? La vie est tellement pleine de surprises)

Se soucier davantage des autres que de soi-même diminue le pouvoir de notre ego, ce qui a un impact favorable sur l'ensemble de notre vie. Nous ne sommes plus dans le désir de plaire et nous faire accepter, nous ne cherchons pas à être au dessus des autres, la jalousie disparait, la compétition laisse place à l'entraide, le jugement diminue, le don prend place naturellement...

MAIS cela n'implique pas le fait de négliger sa fatigue, ses aspirations, son équilibre émotionnel, renier ses convictions. Si une personne nous demande un service, et que nous ne pouvons la satisfaire, penser à elle avant de penser à nous aura l'impact suivant: nous développerons un amour-compassion naturel pour elle, un désir spontané de l'aider, mais nous comprendrons aussi que pour l'aider, il nous faut nous reposer / attendre / faire le ménage dans nos pensées, la voir dans une ou deux semaines, etc. Nous lui ferons alors comprendre que si nous désirons véritablement l'aider, ce n'est pas le moment et qu'elle devra attendre ou s'adresser à une autre personne (comme une personne qui veut entrer dans une pièce encore sale dans laquelle nous faison le ménage. La personne, voyant ce qui se dégage de nous, comprend que nous ne la laissons pas entrer parce que la chambre n'est pas prête, pas parce que nous la rejettons). C'est la partie de ma vie qui reste la plus compliquée quand je donne sans compter mais que les gens ne comprennent plus que je ne peux pas donner tout le temps quand je traverse certaines épreuves ou simplement à certains moments de ma journée, quand je dois gérer d'autres choses. Et parfois, les gens se sentent alors rejetés, incompris. Je n'ai pas encore réussi à résoudre ce problème dans ma vie et c'est souvent cette composante qui a poussé, je pense, les gens à me conseiller de me poser des limites dans le don.

Il y a une seconde composante, présente dans Conversations Avec Dieu et le bouddhisme: la notion du Soi. D'après ces deux courants spirituels, le Soi en lui-même est "illusoire" mais cependant réel dans notre monde. Il est une individualisation physique d'une entité unique, telles les vagues d'une mer qui croient exister toutes indépendamment les unes des autres, mais ne voient pas qu'elles ne sont que les multiples expressions, individualisations de la mer elle-même. Mais dans ce monde relatif, physique, chaque individualisation se sent vraiment séparée des autres, ayant une existence intrinsèque propre, et a bien sûr son propre esprit qui, dans la plupart des cas, ne perçoit pas l'unité.

Dans Conversations Avec Dieu, j'avais lu un passage qui m'avait beaucoup marqué, et depuis que je suis bouddhiste, je le comprends un peu mieux:

Lorsque Je veux pour toi ce que tu veux te donner, alors Je t'aime vraiment. Lorsque Je veux pour toi ce que Je veux pour toi, alors Je m'aime, à travers toi.
Ainsi, à la même aune, tu pourras déterminer si les autres t'aiment et si tu les aimes vraiment. Car l'amoureux ne choisit rien pour lui-même ; il ne cherche qu'à rendre possibles les choix du bien-aimé.

Neale Donald Walsch: Cela semble tout à fait contredire ce que tu as affirmé dans le tome 1, à savoir que l'amoureux ne se préoccupe pas du tout de ce que l'autre est, fait et a, mais seulement de ce que le Soi est, fait et a.
Cela soulève également d'autres questions, comme... Que dire du parent qui crie à l'enfant : «Sors de la rue !» ou, mieux encore, qui risque sa propre vie pour s'élancer dans le tourbillon de la circulation et saisir l'enfant ? Que dire de cette mère ? Est-ce qu'elle n'aime pas son enfant ? Pourtant elle lui impose sa volonté. Rappelle-toi ! L'enfant se trouvait dans la rue parce qu'il voulait y être.
Comment expliques-tu ces contradictions ?

Il n'y en a aucune. Mais tu ne peux pas voir l'harmonie. Et tu ne comprendras cette divine doctrine de l'amour que lorsque tu auras compris que mon choix le plus élevé, en ce qui me concerne, est également ton choix le plus élevé en ce qui te concerne. Et c'est parce que toi et moi ne faisons qu'un.
Vois-tu, la divine doctrine est aussi une divine dichotomie, et c'est parce que la vie même est une dichotomie — une expérience au sein de laquelle deux vérités apparemment contradictoires peuvent coexister en un même lieu et en même temps.
Dans ce cas-ci, les vérités en apparence contradictoires sont les suivantes : toi et moi sommes séparés, et toi et moi ne faisons qu'un. La même contradiction apparente se manifeste dans ta relation avec tout le reste.
Je maintiens ce que J'ai dit dans le tome 1: la plus grave erreur, dans les relations humaines, consiste à se soucier de ce que l'autre veut, est, fait ou a. Ne vous souciez que du Soi. Qu'est-ce que le Soi est, fait ou a ? Qu'est-ce que le Soi veut, nécessite, choisit ? Quel est le choix le plus élevé pour le Soi ?
Je maintiens également une autre affirmation faite dans ce livre : le choix le plus élevé pour le Soi devient le choix le plus élevé pour un autre lorsque le Soi réalise qu'il n'y a personne d'autre.    Par conséquent, l'erreur n'est pas de choisir ce qu'il y a de mieux pour toi, mais plutôt de ne pas savoir ce qu'il y a de mieux. Cela provient du fait que tu ne sais pas qui tu es vraiment, encore moins qui tu cherches à être.

En fait, je crois..., je crois profondément que ce n'est pas parce que nous ressentons que la manière dont nous agissons est "qui nous sommes", que c'est ce qu'il faut faire si ça peut nuire à autrui (car, pour prendre un exemple extrême, un tueur en série ressent peut-être que tuer est qui il est, que ça exprime sa nature profonde, mais il est évident qu'il suit une route très négative et destructrice).
Mais je crois aussi que si nous le ressentons, si bien sûr nous ne faisons pas de mal "aux autres", alors il faut le faire. Quitte à se tromper et à s'en rendre compte plusieurs jours/semaines/mois ou années plus tard.

Rester connecté à soi, finalement. Et respecter les choix de ceux que l'on aime et qui sont connectés à eux.