Etre ou ne pas être humain… là est la question

Depuis un bon moment, je me sens en porte à faux avec moi-même. Coincé entre deux mondes et sans savoir dans lequel rester. Et faire des aller-retours, ce n'est pas très amusant.

Vous êtes en train de vous demander de quoi je parle.

Eh bien c'est très simple, en vérité. Etre humain dans notre société, c'est éprouver le manque quand quelque chose disparait de notre vie, c'est communiquer par la parole, c'est souvent vouloir les derniers produits (mais de plus en plus de gens semblent se détacher de cette société de consommation). Et tout ceci ne me correspond plus. C'est éprouver de l'attente en pensant que nous ne sommes pas complets sans une condition extérieure (bien matériel, travail, une personne à aimer, des enfants, etc.)

Mais le souci... eh bien vous le voyez arriver, n'est-ce pas? Déjà qu'en étant aspie, je ne me sens pas vraiment intégré avec les autres humains, mais si je m'autorise à me détacher encore davantage des réactions humaines classiques alors... quel lien ai-je encore avec les humains? Et je crois que c'est la raison pour laquelle je voulais devenir moine. Car j'aurais alors exprimé ma nature profonde sans craindre de ne plus me lier aux humains car de toute façon, quand les gens viennent parler aux moines, ils sentent qu'ils sont à part, qu'ils vivent dans le non-attachement, ont des réactions différentes de celles que l'on peut observer classiquement. Et donc on ne s'éloignerait pas de moi.

Et là, vous comprenez. J'ai "peur" qu'en n'ayant plus de réactions humaines classiques, les gens, me comprenant encore moins que d'habitude, décident de s'éloigner encore davantage.

Mais voilà, je ne peux plus continuer. Le midi, si je m'écoutais réellement, je resterais en silence. Je resterais en présence. Et je prendrais la main de personnes, quelques minutes. Mais je ne parlerais pas forcément. Je ressens souvent le besoin d'être avec quelqu'un et non de parler avec cette personne.

Quand je "perds" une relation, au fond de moi, ça ne m'affecte pas. Je ressens le phénomène d'impermanence, je le vis et en souffre de moins en moins. Mais les gens perçoivent ce manque de réaction comme de la froideur, une mort intérieure. Et j'ai déjà tenté de leur expliquer, ça m'épuise et au final, il y a plus de frustration et d'incompréhensions à la fin de la conversation.

L'idée de me faire ordonner revient régulièrement à mon esprit, mais ce serait un "leurre". Si, dans le centre, je me sentirais être moi-même, au travail, cela ne changerait rien. Je dois donc faire avec et voir comment être "moins humain" que la norme tout en ne me coupant pas des gens. Car en fait, quand je reste en silence, quand je me connecte profondément à quelqu'un, c'est là que je sens que quelque chose d'authentique se produit, alors que j'ai souvent l'impression que la parole est là pour meubler.

J'ai l'habitude que mes réactions soient rarement comprises, mais je me fatigue à "imiter" des réactions classiques, à me montrer affecté quand un appareil tombe en panne, quand quelqu'un quitte ma vie alors qu'au final... cela me touche peu voire pas du tout.

Il faudra que je demande aux autres aspies comment ils font. Mais personnellement, "jouer la comédie" me coûte de plus en plus.