Premier jour au centre kadampa: mardi 1er janvier

17H49. Je peux enfin souffler. Je me rends compte que cette retraite est très riche mais, en même temps, on a l’impression que tout va très vite.

Mon train a eu 20 minutes de retard et je suis arrivé à 11H26 à Ecommoy. Le temps d’arriver, j’ai parlé à plusieurs moines et résidents, ainsi qu’à des personnes qui repartaient après une à deux semaines de retraite. Puis, à 13h00, nous avons mangé, et vers 14h30, j’ai aidé en cuisine pendant une heure pour faire la vaisselle et nettoyer le sol.

Ensuite, il m’a été demandé de nettoyer un grand couloir (qu’ils appellent la galerie) : aspirateur puis serpillère.  Et enfin, j’ai pu récupérer ma boite, celle qu’on donne à tous les arrivants, comprenant des livres et CD de méditation (avec un lecteur CD)

Cela me fait bizarre d’être enfin seul dans ma chambre. Je ne sais pas à quelle heure nous dînons, mais je suppose que c’est 19 heures, car on m’a dit qu’à 20 heures, il y avait le joyau (je ne sais pas encore de quoi il s’agit) Du coup, il me reste une heure pour me détendre et peut-être aller méditer. Sinon, demain matin, j’aurai la matinée pour moi : méditation, solitude, échanger avec des moines et des résidents, lire, rester dans le silence avec moi-même, sans communiquer…

A présent, me retrouver seul dans ma chambre est étrange. Je crois que je vais m’allonger et méditer un peu, mais avant, je vais me vider l’esprit en regardant quelque chose sur mon ordinateur. La spiritualité, c’est quelque chose de merveilleux à travailler, mais aujourd’hui, j’ai reçu plus d’enseignements que je n’en avais jamais eus, et ce, en très peu de temps.

21H42. Je suis allé dîner « tard », à 19H00. J’ai appris que c’était à 18H30. J’ai aussi appris que le petit déjeuner était jusqu’à 9H00 maximum.

Ce soir, j’ai discuté après le repas avec des personnes en retraite, pendant une demi-heure. C’était une discussion très riche.

Ici, très régulièrement, quand on se rend dans la salle commune, on trouve des gens assis sur des fauteuils, un canapé ou des chaises, et généralement, sans avoir besoin d’être invité, on s’installe et on parle du bouddhisme avec eux.

Ce soir, nous avons aussi beaucoup parlé du divin, des coïncidences auxquels nous ne croyons pas, des vies parallèles, du passé/présent/futur qui ne serait que le présent… C’était incroyablement riche.

Ce qui me frappe ici, c’est la gentillesse et l’ouverture d’esprit des gens. Ils rayonnent de gentillesse, et certains moines rayonnent de bonté. On ressent le don de soi chez eux.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les gens ici ne sont pas des illuminés (au sens péjoratif, vous l’avez compris) mais ils cherchent à l’être (au sens bouddhiste, c’est à dire à atteindre l’éveil, l’illumination, comme Bouddha). Ce sont des personnes en quête spirituelle, en recherche d’eux-mêmes, qui apprennent à se tourner vers les autres.

En étant dans ma chambre, je me suis rendu compte que c’était important que je me retrouve seul pour méditer, mais que c’était aussi très important d’être avec les autres.

Ce soir, j’ai assisté au « joyau », une cérémonie qui dure une heure trente, constituée de nombreuses prières et de mantras. Etant novice dans l’histoire du bouddhisme, je n’ai pratiquement rien compris, que ce soit la signification des statues ou les textes. Mais j’ai ressenti la profonde communion entre les gens.

Il y a eu deux moments de méditation au cours de cette cérémonie, une de 15 minutes et une de 10 minutes. Il est alors important de se centrer sur soi et d’essayer de ne pas s’accrocher à nos pensées, de les laisser passer.

Demain, j’ai rendez-vous à 10h30 avec l’un des résidents du temple, Max, qui va me parler des divinités du bouddhisme et de la signification des nombreuses statues.

Quelque chose m’a dérangé, ce soir. Plusieurs choses. La première, c’est que nous devions, à plusieurs moments, nous prosterner, comme nous pouvons le voir dans la religion musulmane ou, dans une moindre mesure, dans la religion catholique. Comme je ne le fais plus depuis des années en tant que Chrétien, j’ai été réticent à l’idée de le faire, mais j’ai respecté la tradition.

Ici, Bouddha est vénéré et, j’ai l’impression, considéré comme un Dieu au lieu d’un homme qui a atteint l’illumination. Ou, s’il n’est pas considéré comme un Dieu, il n’en est pas moins qu’il est vénéré et respecté, comme s’il allait, de l’au delà, nous aider à atteindre aussi l’éveil. Dans certaines prières, on retrouve le terme « gourou », terme auquel je n’adhère pas, peut-être à cause de la connotation sectaire.

Demain, je poserai tout un tas de questions à ce sujet, car je vois bien que ce temple n’a rien d’une secte. La somme demandée pour y habiter ou venir en retraite est très faible (200 euros de loyer pour ceux qui y vivent), les gens sont libres d’aller et venir, on nous apprend à accepter autrui, à nous débarrasser de notre colère, à nous exprimer sans rentrer dans le conflit.

On m’a beaucoup parlé de la roue de la vie, enseignement que je vais suivre ce week-end, qui parle des six règnes de souffrance qui composent la vie. J’ai appris pourquoi les bouddhistes disent que la vie est souffrance. Ils considèrent que la colère, la rancœur, l’illusion de la perte, la jalousie, la course à la compétence entraînant un jugement… nous font souffrir perpétuellement, et que Bouddha a trouvé une voie pour se libérer de toute cette souffrance. Et il a transmis ses connaissances pour que d’autres, comme lui, deviennent des bouddhas, des éveillés.

La religion bouddhiste me convient énormément, presque totalement. Ici, je me sens à ma place. Ici, je peux exprimer ma gentillesse et ma compassion sans retenue, ainsi que mon empathie. Quand je croise quelqu’un, je peux lui dire bonjour (ou plutôt namasté, en faisant le geste des deux mains jointes) avec un très grand sourire. Je sais que cela ne sera pas mal perçu et que ma gentillesse me sera retournée.

Ainsi, à chaque personne que j’ai croisée, j’ai pu dire bonjour en la considérant, en la regardant dans les yeux, en la regardant vraiment. Des personnes à qui je n’avais même pas dit bonjour sont venues me souhaiter la bonne année, avec une intonation et un regard qui m’ont fait sentir qu’elles le pensaient.

Ici, le cadre est paisible. Et c’est ainsi que le monde devrait être. Nous ne devrions jamais avoir peur ou une quelconque retenue à dire bonjour à quelqu’un, ou « à vos souhaits » à une personne que nous ne connaissons pas et qui éternue à nos côtés.

Ici, je réapprends la méditation, et la pratiquer en groupe est vivifiant, inspirant. Ce soir, je me suis senti élevé spirituellement, en communion avec les personnes m’entourant, à ma place.

Et, en même temps, j’ai senti que je n’étais que de passage, que je n’appartenais pas à ce lieu, comme je pensais que je le ressentirais.

Il est à présent 22h00, et j’ai envie de retourner à la salle de méditation m’asseoir sur l’un des zafus (coussins de méditation) pour me recueillir et méditer. J’ai aimé cela. J’ai aimé la communion qui se dégageait de cette pièce, mais aussi l’énergie qui circulait d’une personne à une autre.

Demain, je compte faire du TaiChiChuan dehors, même s’il fait froid, car ce lieu appelle à la communion avec la nature.

Ici, je me sens moi-même. Ici, l’envie frénétique de travailler a disparu. J’ai une « féroce » envie de méditer, de lire, de me recueillir, de marcher dans la forêt, de donner.

Etre ici aujourd’hui m’a donné l’impression d’y avoir déjà passé 3 jours. Et je sais que je reviendrai, sûrement pour un week-end de temps en temps, tous les mois peut-être, ou tous les deux mois.

Ce lieu me régénère, et je sens que je vais pouvoir y établir des racines, que je vais trouver une « communauté » qui va m’accepter tel que je suis. Car nous parlons beaucoup de nous, de ce que nous considérons comme la « meilleure manière », selon l’appréciation de chacun, de vivre, et de nos « faiblesses ». Nous parlons beaucoup de l’importance de ne pas nous juger ni de juger les autres, de s’accepter et d’accepter les autres.

Je suis heureux.