Ma seconde retraite au centre bouddhiste Kadampa

Il y a longtemps que je n'ai pas écrit sur ma tradition et la série d'articles sur la tradition Kadampa que j'ai rédigées il y a un moment fait partie des articles les plus lus sur ce site. Alors j'ai senti que je devais en rédiger davantage.

Guen EupaméDepuis ma première retraite au centre Kadampa du Mans, j'y suis retourné une seconde fois, pour une retraite d'une semaine avec Kelsang Eupamé, intitulée "intégrer la méditation à la vie quotidienne."

Cela fait quelques mois que j'ai fait cette retraite et plusieurs choses me viennent à l'esprit:

- C'était une délicieuse semaine. J'y ai reçu quatre enseignements par jour, d'une heure et quart chacun, qui furent enrichissants du point de vue humain, spirituel mais aussi psychologique.

- La méditation est un état d'être très particulier et parfois dérangeant (la sensation de ne "rien faire") qui, pratiquée plusieurs fois par jour, provoque des sensations troublantes: le calme s'installe en nous, des souvenirs remontent, des sentiments que l'on pensait complètement enfouis en nous refont surface.

- Si l'on ne pratique pas, ce type de retraite ne sert presque à rien. Presque car on en retire tout de même quelque chose qui reste, mais sans pratique, c'est comme commencer à faire du sport puis cesser complètement de le faire. On se rappelle la sensation que cela faisait de se sentir vivant, plus fort physiquement, mais c'est juste un souvenir, une sensation. Ca ne fait plus partie de notre quotidien.

etudiants_programme_fondamental_smallAu final, durant toute une semaine, j'ai baigné comme la dernière fois dans un cadre de vie calme, spirituel, rempli d'ondes positives (appréciation personnelle). J'ai ri avec des gens que je ne connaissais pas et n'ai jamais revus en prenant le petit déjeuner avec eux. J'ai médité avec des gens que je ne connaissais pas, déjeuné et dîné avec eux.

Des retraites bouddhistes, j'ai la sensation qu'on en retient des sensations, quelques phrases de l'enseignant (sauf si l'on prend des notes comme certaines personnes). J'y ai compris qu'il est important de lire, recevoir des enseignements, s'ouvrir car, comme disait ce moine, "si l'on a rien à mélanger à sa pensée, rien ne change". Depuis que j'y suis allé, j'ai mélangé à ma pensée des enseignements bouddhistes, mais aussi des enseignements d'Abraham (channeling avec Esther Hicks), de Conversations Avec Dieu...

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Plus les jours ont passé, et plus je me suis senti moi-même... ce qui ne m'était pas arrivé depuis pas mal de temps, la société nous mettant une telle pression de performance qu'il devient difficile de se montrer complètement tel qu'on est, craignant le jugement ou le rejet.

Les enseignements furent riches, sur la vacuité, sur notre nature, la mort, les conflits avec autrui, l'ego... je peux vous le dire, je ne me suis pas senti bien pendant une dizaine de jours après cette retraite. Trop de choses dont je pensais m'être débarrassées sont remontées à la surface: colère envers certaines personnes, frustrations, peurs, regrets... La méditation peut avoir cette effet sur vous: une sorte d'introspection qui fait remonter plein de choses.

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Je me rappelle que l'on a eu plusieurs méditations sur la mort qui peut survenir à tout moment dans notre vie. A un moment, le moine, qui a beaucoup d'humour comme la plupart de ses pairs, a commencé un dialogue en faisant les questions-réponses, très calmement: "serai-je encore là dans un an? Oui, bien sûr, forcément que je serai là. Et dans un mois, dans une semaine? Bon, je suis dans un centre bouddhiste, entouré de moines, en retraite spirituelle, si ça ne me protège pas de la mort!". S'en est suivi quelques éclats de rire. Mais il a ensuite repris sérieusement en nous disant que nous ne pouvions savoir. Combien de personnes en apparente bonne santé meurent sans que rien ne puisse le présager?

Il nous a parlé de l'histoire d'un astrologue qui était connu pour la justesse de ses prédictions (je suppose l'histoire fictive). Il a voulu prédire sa propre mort. Il s'est donc posé, a fait ses calculs et... il s'avérait que sa mort était aujourd'hui. Et là, il s'accoude à la fenêtre et se demande: "où est-ce que j'ai fait une erreur?" Il ne s'imaginait pas un instant que sa mort puisse être ce jour, sous entendu qu'il avait forcément encore de nombreuses années à vivre devant lui étant donné son âge. Les méditations sur la mort, le temps qu'il nous reste à vivre et que nous nous devons d'employer convenablement pour ne pas le gâcher, furent salutaires en ce qui me concerne, mais m'ont dérangé, car l'idée de pouvoir mourir d'un jour à l'autre a provoqué une sorte d'angoisse qui s'est apaisée avec le temps.

le_boudismeUne autre anecdote très parlante. Le moine nous disait: "imaginez-vous à la terrasse d'un café, observant les passants. Il ne va pas vous falloir très longtemps pour classer les gens dans trois catégories: j'aime bien, je n'aime pas, neutre". L'exemple était si vrai que l'on pouvait lire l'acquiescement sur les visages des auditeurs. Et là, il nous a dit avec un grand sourire que c'était un état d'esprit déséquilibré. De nouveau, des éclats de rire se firent entendre, car cela voulait clairement dire que nous étions tous déséquilibrés!

Il nous a dit qu'un état d'esprit équilibré, c'était voir les gens avec une neutralité bienveillante. Et que l'on pouvait parvenir à cet état d'esprit par la méditation, la discipline morale. S'en sont suivies des questions sur l'ego et l'emprise qu'il peut avoir sur nous, nous poussant à juger les gens. Bien sûr, on nous a expliqué qu'il n'y avait pas de recette permettant de nous libérer de cet ego trop présent rapidement, mais que la pratique quotidienne de méditation pouvaient nous aider. Comme c'est généralement le cas lors des enseignements, le moine nous a raconté une histoire.

Imaginez vous au centre, dehors, en train de boire un thé. Une personne arrive et vous fait un sourire. "Tiens, elle est sympa", vous dites-vous. Vous venez de la faire basculer dans une case. Mais elle vous fait une remarque. "On est en train de faire la vaisselle. Tu penseras à déposer ta tasse tout à l'heure?" "Tiens, je n'ai pas trop aimé la remarque." Elle vient de basculer dans la case "je n'aime pas trop".
Mais c'est là qu'elle vous dit avec un sourire "Mais prends ton temps, tu pourras tranquillement le faire tout à l'heure."

Il a conclut son histoire en nous demandant: "Alors, dans quelle cas est-elle? Sympa, pénible, neutre ?"

zem056-jpg-44977-ae6bbCette histoire m'a fait réfléchir car je me suis revu en train de juger des gens que je ne connaissais pas, dans les transports en commun par exemple et... quand je suis retourné au travail, je me suis vu juger les gens en pensée. Quelle claque!

Les méditations sur la colère m'ont affecté car j'ai revisualisé mentalement des actes que j'ai "subis" et j'ai ressenti la colère monter en moi, le désir de me venger. Mais l'enseignant avait un ton très calme, nous amenaient à prendre de la distance par rapport à ce sentiment de colère en nous disant... qu'il n'existait pas. Que tout ceci était une création de notre esprit. Tout comme nos peurs. Que si on les cherche, qu'on essaie de les définir... on se rendra compte que tout ceci a été créé avec notre esprit, et que l'on peut aider notre esprit à s'apaiser en comprenant... que toute personne est une bonne personne.

Celle-ci m'a fait bondir. Mais j'avais bien entendu. Pour un bouddhiste, toute personne est une bonne personne... dont l'esprit, sous l'influence des perturbations mentales (peur, colère, l'auto-préoccupation etc.), est amené à faire des choses qui ne sont pas bien. Mais qu'elles ne définissent pas cette personne qui, dans son essence, est bonne. Son esprit perturbé la pousse à commettre des actes négatifs pour elle et son entourage. Et pour cela, nous devons apprendre à développer de la compassion (!) pour une telle personne, car nous savons qu'elle se fait du mal et créé un karma négatif.

Renverser à ce point la vapeur m'a retourné sur le moment. Eprouver de la compassion pour quelqu'un qui nous fait du mal? Mais qu'est-ce que les moines mettent dans leur eau?

Plus sérieusement, si je parviens un jour à cet état d'esprit, ma vie sera complètement différente. Notre égo est si fort qu'il se sent agressé quand quelqu'un semble le menacer, mais tout ceci est vraiment dans notre esprit.

Je crois... je crois que si l'on parvient vraiment à réduire l'emprise que l'ego a sur nous, que nous ne voyons plus certaines personnes comme une menace... notre rapport aux autres changera du tout au tout. Si nous apprenons à vivre une vie en ne gaspillant pas notre temps avec la rancoeur, la colère, la jalousie... notre vie s'en trouvera changée.

J'ai donc décidé récemment, alors que je traverse une profonde période de remise en question, de méditer plus régulièrement sur des thèmes que j'estime importants afin de mieux vivre des conflits que je peux avoir avec autrui et... moi-même.
Grenouille zen