Tout perdre pour renaître

J'ai tout perdu. Ou presque. Tout perdre signifierait que je n'ai vraiment plus rien. Et, quand on y réfléchit, je suis encore riche dans de nombreux aspects de ma vie: la santé, mes enfants, un travail, de l'argent, un cerveau qui fonctionne bien, des amis.

Mais quand je réfléchis à tout ce que j'avais et tout ce que j'ai donné, en retour, j'ai pratiquement tout perdu: ma femme, mon appartement, mon moyen de locomotion, pratiquement tout mon argent. J'avais expliqué, au tout début de ce site, que le juge m'avait demandé de tout payer pour l'appartment, me mettant à 64% d'endettement, "à charge de récompense". Il se trouve que cette expression ne signifie pas, comme le pensait mon avocate, que je récupèrerais l'argent que j'ai dû dépenser "au delà de ma part". En fait, derrière cette expression, il faut comprendre que c'est à charge de récompense pour l'autre personne, à qui on doit, au moment de la liquidation du patrimoine matrimoniale, verser la différence entra la valeur locative du bien immobilier dont on avait la jouissance et de ce qu'on a payé (prêt, impôt, charges) tous les mois.

Autant vous dire que j'ai eu du mal à accepter que le juge ait ordonné mon surrendettement, et que je n'ai rien pu récupérer à la fin.

Et puis, il s'est passé quelque chose: j'ai compris que cette perte de tout ce que j'avais investi financièrement, de tout le matériel... m'appelait à une vie simple.

Depuis quelques jours, je commence à avoir envie de me libérer de tout ce qui nous rend esclave: téléphone portable dernier cri, ordinateur portable surpuissant... Mon macbook est en train de rendre l'âme, et je ne le changerai pas. Je garderai ma tour.

Je pense revendre mon téléphone portable pour en reprendre un très simple. Je vais également revendre ma tablette android que je n'utilise finalement que rarement.

Toutes ces possessions matérielles nous rendent esclaves d'elles, au final. Quand on prend l'habitude de voyager léger, on se sent léger. On a l'impression qu'on pourrait aller habiter pratiquement n'importe où avec le minimum de moyens. Je n'ai pas envie de reprendre une machine à laver chère. Soit j'irai à la laverie automatique, soit j'achèterai une version d'entrée de gamme.

Le temps passant, je comprends que la simplicité de notre vie nous rend libre. On n'a plus besoin "d'avoir" pour "être heureux".

Cette recherche du bonheur devient de plus en plus présente dans ma vie.

Ces derniers jours, je me suis senti triste. Car je me suis rendu compte qu'une partie de ma vie était vide de sens: j'agis souvent pour faire plaisir même si ça ne me convient pas, perdre des possessions matérielles m'affecte, mon ancienne apparence physique, quand j'étais svelte, me manque...

Et ce soir, en réfléchissant à tout cela, je vois à quel point je peux être esclave de l'extérieur: d'une image que j'ai de moi-même, d'une situation, de conditions extérieures...

Tant que cela est présent dans notre esprit, nos moments de bonheur sont dépendants des conditions extérieures qui, par définition, sont toujours changeantes. Comment être heureux dans ces conditions?

Les mois passant, des changements s'opèrent en moi: je suis devenu végétarien car je ne supporte plus de manger des animaux. Je sens que ma voie est tournée vers la sagesse, vers autrui, vers le renoncement aux causes de la souffrance et la guidance d'autrui vers cette libération de tout ce qui nous fait souffrir en ce monde: notre égo trop fort, nos illusions d'un besoin extérieur pour avoir la sensation d'avoir réussi ou d'être épanoui, notre sentiment d'être séparés les uns des autres ("la saisie d'un soi"), nos attentes permanentes par rapport aux situations de la vie, notre si grande dépendance aux conditions extérieures liées aux jugements que l'on porte sur ces conditions...

Je sens qu'un long chemin m'attend, de plusieurs années. Ce choix de vivre ma vie au sens bouddhiste ne sera peut-être pas compris de tous, mais conserver l'esprit que j'ai développé durant des années, basé sur l'attente de conditions extérieures pour me déclarer "heureux", ne me permettra de rester heureux qu'en de rares périodes de ma vie.